carrières et carriers de grès du massif de Fontainebleau et alentours

Bien connus des amateurs de randonnée mais surtout d’escalade, les grès de Fontainebleau eurent longtemps une vocation tout autre : durant des siècles, ils ont été débités afin de servir à la construction, celle du palais et des maisons anciennes mais aussi pour le pavage des rues de la capitale grâce à la Seine qui en facilitait le transport. Aujourd’hui silencieuses, les multiples carrières ont laissé bien des traces qui font aujourd'hui partie du patrimoine. Ce blog propose de populariser toutes les initiatives qui visent à valoriser ou mieux faire connaître ce patrimoine auprès du grand public


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Samedi 17 et dimanche 18 septembre 2022 : journées « portes ouvertes » à la carrière de grès de Moigny-sur-École

M. de Oliveira dans sa carrière de Moigny-sur-École en mai 2018. Photo P. Dubreucq.

Dans le cadre des journées du patrimoine 2022, le dernier tailleur de grès de la région parisienne ouvre les portes de sa carrière. Francisco de Oliveira, passionné par son métier, vous expliquera comment le grès «chante» et « gémit » sous le coup des marteaux, des coins et des broches…Il vous fera revivre les techniques de taille à travers les siècles. Vous assisterez à la démonstration du débitage d’un bloc depuis  la taille d’une bordure de trottoir jusqu’à la taille d’un pavé. Vous observerez comment le forgeron façonne les outils dans son atelier… La carrière « les grès de Fontainebleau » est  située à Moigny–sur-École, route de Boutigny-sur-Essonne. Le parcours est fléché.  Le public sera reçu le samedi 17 et dimanche 18 septembre, à partir de 9h30 le matin et de 14h l’après-midi.  Une visite est prévue par demi-journée.


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Samedi 17 et dimanche 18 septembre 2022 : journées « portes ouvertes » à la carrière de grès de Moigny-sur-École.

M. de Oliveira dans sa carrière de Moigny-sur-École en mai 2018. Photo P. Dubreucq.

Dans le cadre des journées du patrimoine 2022, le dernier tailleur de grès de la région parisienne ouvre les portes de sa carrière. Francisco de Oliveira, passionné par son métier, vous expliquera comment le grès « chante » et « gémit » sous le coup des marteaux, des coins et des broches. Il vous fera revivre les techniques de taille à travers les siècles. Vous assisterez à la démonstration du débitage d’un bloc depuis la taille d’une bordure de trottoir jusqu’à la taille d’un pavé. Vous observerez comment le forgeron façonne les outils dans son atelier. La carrière « les grès de Fontainebleau » est située à Moigny–sur-École, route de Boutigny-sur-Essonne. Le parcours est fléché.  Le public sera reçu le samedi 17 et dimanche 18 septembre, à partir de 9h30 le matin et de 14h l’après-midi.  Une visite est prévue par demi-journée.


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À propos de l’ancien port aux grès de Valvins, en bordure de Seine, près de Fontainebleau.

Embarquement des pavés au port de Valvins. L’Illustration, Journal universel, 17 oct. 1846.  Cliché Patrick Dubreucq, 2017.

Le port au grès de Valvins fut, dans la première moitié du XIXème siècle, le principal port d’exportation des marchandises de grès extraites du massif de Fontainebleau. Il était situé à l’origine au pied du domaine de la Madeleine sur la commune de Samois-sur-Seine. La construction, à partir de 1812,  du pont de Valvins amène les autorités à le transférer 600 m en amont sur la commune d’Avon. Il s’agrandit alors pour répondre à une demande en augmentation.

Automne 1846, un envoyé du magazine l’Illustration, journal universel, se rend à Fontainebleau pour un reportage sur le métier de carrier. À l’issue de son séjour, le 17 octobre 1846, un article intitulé « les carrières de grès à paver » est publié.  Trois gravures l’illustrent.  L’une d’entre-elles, remarquable, présente « l’embarquement des pavés au port de Valvins » à l’époque de son apogée.

Au premier plan, on découvre un amoncellement de pavés qui attendent d’être embarqués. Les archives (1) nous apprennent que la partie du port louée par les entrepreneurs du Pavé de Paris représentait une superficie de 1 hectare 37 ares.  On pouvait y entreposer des dizaines de milliers de pavés (2). L’auteur a apposé ses initiales P.B. sur deux d’entre eux. Il s’agit peut-être d’une façon de nous indiquer qu’ils étaient marqués afin que l’on puisse établir leur provenance (fabricant et carrière) et leur destination. Au centre de l’image, des hommes discutent, les uns assis, les autres debout. Parmi eux figurent sans doute des entrepreneurs, des voituriers, des jurés-compteurs et des chefs d’atelier.  En effet, sur le port, les pavés étaient comptés et triés par catégorie pour établir le paiement des carriers. Toujours au centre de l’image, un « bardeur » opère, à l’aide d’un « bard » qui roule sur une planche, le chargement de plusieurs pavés sur un bateau dit « marnois » qui pouvaient en contenir 7 à 8000 (4). Tandis qu’un second bateau attend son chargement, on aperçoit au loin le pont de Valvins dont la construction s’est achevée une vingtaine d’années plus tôt (1825). Lors de leur déchargement à Paris, les marchandises étaient recomptées pour établir le paiement des entrepreneurs.

Cependant, dans la seconde moitié du XIXème siècle le grès subit la concurrence d’autres matériaux comme le granit, acheminé par chemin de fer, ou bien le macadam. Par ailleurs, l’extraction du grès est combattue par les artistes et les touristes qui perçoivent les carrières comme un « fléau » qui dénature la forêt considérée désormais comme un espace à protéger. En 1907, l’exploitation du grès est interdite dans la forêt domaniale et le port au grès cesse son activité.

(1) Rapport sur la désignation d’un emplacement destiné au dépôt des grès à Valvins, rédigé par l’ingénieur en chef du département de Seine-et-Marne et destiné au directeur général des Ponts et chaussées, M. le comte Molé, conseiller d’Etat, Melun le 10 mars 1812. Archives nationales, Pavé de Paris, F/14/910

(2) Entre 1821 et 1830, une moyenne de 1,9 million de pavés en provenance du massif de Fontainebleau sont enregistrés à l’octroi de Paris soit plus de 5000 par jour. Voir note 4.

(3) Nos recherches n’ont pas permis de retrouver son identité. Je remercie par avance le lecteur qui pourra combler cette lacune

(4) (Anonyme), 1832 – Prospectus pour l’exploitation d’une carrière de grès appelée le Long Rocher, concédée pour 99 années à M. Frantz Zeltner, 20 pages, page 2, Paris, 1832. Archives départementales de Seine-et-Marne, cote AZ 5026.


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À propos de l’identité de deux carriers de grès de Montigny-sur-Loing dans un atelier au Long Rocher dans la massif de Fontainebleau au début du XXème siècle.

L’image est connue des amateurs de cartes postales anciennes. Elle présente deux carriers dans l’une des dernières exploitations de grès en activité dans le massif domanial de Fontainebleau au début du XXème siècle (1). L’atelier est situé au Long Rocher, un canton, proche de Montigny-sur-Loing, très exploité avant 1850, du temps de la concession accordée à M. Zeltner (2).  Deux hommes posent au pied du front de taille au milieu de blocs de grès abattus.  Pantalon large, chemise ample avec des manches retroussées, tous deux ont des bras musclés et semblent d’âge mûr. Le personnage de gauche, tête nue, le dos courbé, porte un couperet, outil destiné à lancer des fentes dans les blocs.  A droite, un genou posé sur un fagot destiné à amortir les chocs, l’homme en retrait qui porte une casquette, tient dans ses mains un marteau destiné à creuser des mortaises, marteau pointu très identifiable grâce à l’ombre portée sur le bloc. Qui sont-ils ? Le témoignage recueilli en 1987 auprès d’une ancienne habitante de Montigny, Henriette Virion (1908-2005), nous a mis sur la piste de leur identité. D’après Henriette, son père Charles, célèbre sculpteur qui a vécu à Montigny-sur-Loing de 1889 à sa mort en 1946, les avait bien connus. Il lui aurait indiqué que « le personnage de gauche portait le surnom de « Long Boyau » mais de son vrai nom s’appelait Réveillé et le personnage de droite s’appelait « Boyer le pauvre » en opposition à son frère « Boyer le riche » qui tenait un hôtel à Montigny ». (3). Grâce aux derniers registres de recensement et aux registres d’état civil mis en ligne sur le site des Archives départementales de Seine-et-Marne, nous avons pu identifier les quatre carriers (4) résidant à Montigny en 1906.  Parmi eux, figure un dénommé Louis Réveillé, né le 4 septembre 1862 à Montigny dont nous pensons qu’il correspond à notre personnage de gauche sur la carte postale. A 44 ans, Il vit dans un secteur que le registre de recensement nomme le « bout du haut de Montigny, côté gauche ». Il semble veuf ou divorcé. Il a quatre enfants : Louise 18 ans ; Léon 13 ans, né à la Ferté-Alais ; Renée, 7 ans et Angèle 4 ans. Les trois filles sont nées à Montigny-sur-Loing. Louis Réveillé héberge également une sœur, Julia Versin, née en 1881 et une nièce, Gabrielle, née en 1900 à Paris. Émile Boyer est notre personnage à la casquette. Il est né à Montigny-sur-Loing le 28 avril 1858 et habite non loin de son frère Jules, qui tient, à l’époque, l’hôtel qui porte son nom, avenue de la Gare.  Émile a 48 ans en 1906. Il est marié à Léopoldine Thibault née à Écuelles en 1862 (5). Ils ont une fille, Célestine, né en 1891 à Montigny-sur-Loing (6). Le travail aux carrières se transmettant souvent d’une génération à l’autre, nous n’avons pas été étonnés d’apprendre, grâce aux extraits de naissances, que le père d’Emile, Eugène Alexandre, était voiturier tandis que le père de Louis, Louis François, était carrier.

Retrouver le nom d’une personne aujourd’hui disparue peut sembler dérisoire. Un nom ne dit rien d’une vie, de ses joies ni de ses peines. Toutefois, l’évocation d’un nom peut parfois réactiver des souvenirs, stimuler des conversations, actionner des recherches pour retrouver  de vieilles photos, des  papiers ou des objets  entassés au fond d’un grenier, d’une cave ou d’une armoire… Je lance un appel aux habitants de Montigny-sur-Loing ou d’ailleurs, aux anciens comme aux plus jeunes, en caressant l’espoir que parmi les descendants des derniers carriers de grès, quelques souvenirs ont traversé le temps. Merci pour vos retours. Patrick Dubreucq

(1) un arrêté du ministère de l’Agriculture du 19 octobre 1907, appliqué par le préfet de Seine-et-Marne, interdit désormais toute exploitation de grès dans la forêt domaniale de Fontainebleau

(2) Frantz Zeltner, un citoyen d’origine suisse, obtient, en mars 1830, du roi Charles X un bail emphytéotique de 99 ans pour exploiter le Long Rocher sur une superficie de 66 hectares afin d’y fabriquer « des pavés, des bornes et des pierres de taille ». Nous reviendrons dans un prochain article sur cette exploitation.

(3) Il existe un hôtel Boyer, avenue de la Gare, au début du XXème siècle tenu par Jules Boyer, né en 1856 à Montigny et marié à Amanda Frichet née en 1855. Ils ont une fille, Hélène, née en 1884 à Paris. La stèle funéraire, au cimetière de Montigny-sur-Loing, indique qu’Amanda est décédée en 1923 et Jules en 1927.

(4) les deux carriers qui ne figurent pas sur la carte postale sont d’une part : Georges Genty, né en 1857 à Montigny-sur-Loing et Alexandre Guerre né en 1843 à Ferrière (Loiret). Témoin de la destruction de la grotte du Croc marin pendant la guerre de 1870, Georges Genty est connu, sous le surnom de « La Gaillouche ». Sa stèle funéraire au cimetière de Montigny nous apprend qu’il est mort, en 1943, dans sa 86ème année. Nous n’avons pas retrouvé la tombe d’Alexandre Guerre ni celle de Louis Réveillé mais nous savons, grâce aux registres d’état civil conservés à la mairie de Montigny-sur-Loing (merci au service d’accueil de la mairie) que ce dernier  est décédé le 05  juin 1919 dans sa 57ème année.

(5) La pierre tombale de Léopoldine Thibault, au cimetière du Montigny-sur-Loing, nous apprend qu’elle est décédée en 1939. Nous n’avons pas retrouvé la tombe d’Émile Boyer mais nous savons, grâce aux registres d’état civil conservés à la mairie de Montigny-sur-Loing (merci au service d’accueil de la mairie) qu’il est décédé le 19 novembre 1909 à l’âge de 51 ans.


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À propos des abris de carriers de grès dans le massif de Fontainebleau.

En cheminant dans les anciennes carrières de grès du massif de Fontainebleau, on découvre parfois de petits ouvrages en pierre sèche construits surtout avec des écales et situés à proximité des fronts de taille. Ce sont le plus souvent d’anciens abris ou « loges» (1) de carriers. Ces derniers, qui habitaient dans les villes et villages environnant la forêt et partaient tôt le matin pour la journée, utilisaient ces abris pour remiser leurs effets personnels (vêtements, nourriture…) et peut-être leurs outils. Selon des données recueillies en 2021 auprès des membres de la Commission Carrières et Carriers des Amis de la Forêt de Fontainebleau qui procèdent à leur inventaire depuis plus de 10 ans, plus de 300 abris, le plus souvent en ruine, ont été retrouvés parmi tous ceux qui furent construits au cours des siècles. En fonction de leur dimension, de leur forme, des modalités de construction, il est possible d’en distinguer plusieurs types. Un certain nombre sont aménagés sous platière ou s’adossent à une grotte naturelle que les carriers avaient pris soin de déblayer. Beaucoup d’autres, élevés en pierre sèche avec des écales et autrefois recouverts de branchages, sont totalement artificiels. S’il existe quelques abris « habitables », la plupart sont de petite taille et conçus pour abriter de deux à quatre personnes qui pouvaient s’assoir sur des bancs de blocs de grès posés au sol. Un certain nombre d’abris comportent des niches et une cheminée qui permettait de se réchauffer à la mauvaise saison. Ils servaient alors de « cantine » au moment des pauses pour le « casse-croûte ». Cependant rien dans les archives ne permet de penser que les carriers y passaient la nuit. La plupart avaient en effet une famille et ne craignaient pas une longue marche pour regagner leur domicile le soir venu.

Parmi ces abris, l’un, désormais unique de son espèce, a la forme d’une borie provençale. Muni d’un couloir d’accès, aménagé en réserve au milieu d’un monticule d’écales, il est surmonté d’une voûte en grès.  Cet abri exceptionnel, bâti dans une zone de carrières exploitées dans la seconde moitié du XIXème siècle, présente des signes de fragilité. Ces dernières années, de fréquents épisodes de sécheresse suivis de pluies abondantes se sont succédés.  Ils nous font craindre qu’un jour la voûte ne s’effondre comme c’est arrivé à un abri du même type qui se trouve non loin.  Nous avons donc pris l’initiative de le faire numériser – un grand merci à Samuel Praizelin – ce qui a l’avantage de permettre aux chercheurs de l’explorer en détail et aux curieux de le visiter virtuellement.  Patrick Dubreucq

Pour visiter virtuellement l’intérieur et l’extérieur de l’abri enterré cliquez sur les liens suivants :

(1) On trouve l’expression Loge aux carriers dans un récit de promenade rapporté par Louis-Michel Charon en 1849 : « Laure, apercevant de loin une excavation avait pris le devant ; elle arriva bientôt à une espèce de grotte située à gauche du sentier et au fond de laquelle se trouve un banc de pierre (…) deux hommes sortirent de la loge (…) que l’on connaît sous le nom de loge aux carriers ». La « Loge aux carriers » est un lieu remarquable mentionné dans les guides des sentiers de promenade des Amis de la forêt de Fontainebleau. Elle est située au Rocher des Demoiselles. Références de l’ouvrage :

Charon Louis-Michel, Promenade philosophique et sentimentale au sentier Bournet, édité chez Brochot, Fontainebleau, 1849 pp 81-83, 187 pages. Médiathèque de Fontainebleau, section Patrimoine cote A 1770 ou F.L. BR.5060



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À propos des outils utilisés par les carriers de grès du massif de Fontainebleau au milieu du XIXème siècle

L'Illustration, journal unvisersel, 17 octobre 1846, médiathèque de Fontainebleau, cliché P. Dubreucq, 2017.Automne 1846, un envoyé du magazine l’Illustration, journal universel, se rend à Fontainebleau pour un reportage sur un métier largement méconnu. On ignore dans quelle auberge il séjourne mais on nous apprend qu’il loue les services du  « voiturier Bernard». Ce carrossier-sellier est installé  au cœur de la ville, 15 rue de France. Ses cochers ont la réputation de bien connaître la forêt (1). Le journaliste vante la commodité des voitures qui le conduisent en forêt de Fontainebleau, « au milieu d’un charmant paysage »  à la rencontre des ouvriers  qui travaillent, au sud de la ville, au Rocher Fourceau.  A  l’issue de son séjour, le 17 octobre 1846, un article intitulé « les carrières de grès à paver » est publié.  Trois gravures remarquables l’illustrent.  L’une présente une vue d’ensemble d’une « grésière au rocher Fourceau », une autre « l’embarquement des pavés au port de Valvins » et la troisième, qui nous intéresse aujourd’hui, : « un ouvrier grésier avec ses divers outils ». Il s’agit de la représentation la plus ancienne, connue à ce jour, d’un carrier de grès dans le massif de Fontainebleau. L’auteur de la gravure a apposé ses initiales P.B.  Nos recherches n’ont pas permis de retrouver son identité. Je remercie par avance le lecteur qui pourra combler cette lacune.

On découvre, sur cette illustration, le portrait en pied d’un carrier à l’heure du déjeuner. Assis sur un bloc de grès fraichement débité, jambe gauche tendue, l’autre repliée, le pied sur un pavé, une gamelle ou une tranche de pain dans une main, un couteau dans l’autre, il se restaure. Partis tôt le matin, les carriers, qui habitent en ville ou dans les villages en lisière de la forêt, ne rentrent chez eux qu’à la tombée du jour. Ils sont tenus de déjeuner sur place. L’heure du casse-croûte est un moment précieux de repos et de conversation pour les quatre ou cinq ouvriers qui travaillent ensemble dans une carrière. On dit aussi une batterie.  L’homme porte une casquette qui protège du froid ou du soleil. Chemise et pantalon sont amples pour ne pas gêner les mouvements. Il est chaussé de sabots. Selon Lucien Estrade (2) : « autrefois, les carriers avaient des sabots spéciaux faits dans du pied de bouleau, la semelle était épaisse et servait d’étançon pour le levier libérant ainsi les bras » dans des opérations de versement des blocs. Le visage n’est pas celui d’un adolescent ni d’un carrier épuisé par toute une vie de labeur. Le regard semble déterminé. La musculature des avant-bras témoigne que l’homme est en pleine force de l’âge. Le gilet et le col de chemise ne manquent pas d’élégance. Sans doute, s’agit-il d’un maître carrier, d’un chef de batterie. On dit aussi chef d’atelier. Selon Domet (3) : « il paie d’ordinaire ses ouvriers à la journée et s’entend directement avec l’entrepreneur à ses risques et périls pour le prix du pavé ».

Le maître-carrier est propriétaire des outils de sa batterie. Il faut compter 300 francs pour une batterie d’outils (4) alors que le gain quotidien d’un carrier tourne autour de 4 à 5 francs.  Les outils, disposés au pied du carrier ou alignés contre le front de taille, sont bien mis en évidence.  J’aimerais vous entretenir de leur fonction. Il y a d’abord la pelle à sable et la bêche, deux outils nécessaires au terrassement. C’est la première tâche dans une carrière : prélever les terres qui recouvrent le banc de grès et dégager le front de taille jusqu’à sa base. On pourra dès lors procéder à l’opération d’abattage, puis au dédoublage et enfin à la taille finale des pavés. Derrière la bêche, on remarque de longues tiges de fer. Le dessin n’est pas assez précis pour déterminer si ce sont des leviers ou des burins. Le levier  – ou pince –  sert à déplacer les gros blocs, à les écarter ou les retourner selon les besoins. S’il s’agit d’un burin, il sert à creuser les trous de mine afin de fendre la dalle de grès à l’aide d’un explosif. Cette opération qui se répand dans la seconde partie du XIXème siècle porte le nom de burinage ( voir publication du 24 novembre 2020). Cependant la méthode la plus courante pour procéder à l’abattage est décrite dès 1774 dans un mémoire de François de Lassonne (5), médecin du roi Louis XVI et de Marie-Antoinette. Elle consiste à creuser sur le sommet de la dalle de grès des encoches, sortes de « rigoles » ou de « gouttières », appelées mortaises. Ces mortaises ou boîtes à coin sont façonnées  à l’aide d’un marteau pointu – visible à proximité du pied gauche – . Une fois la mortaise creusée, on y insère des coins – devant le marteau pointu – qui seront frappés à grands coup d’une masse  – à la gauche du personnage – . Chaque coup imprime et transmet une secousse profonde et comme l’effort du coin est à la fois vertical et latéral, le bloc finit par se fendre et la dalle se détache.  Contrairement au marteau pointu dont le manche est court, le manche de la masse est « long et flexible, souvent en noisetier, pour éviter de broyer les poignets du carrier ».(6)

Une fois la dalle abattue, on réitère l’exercice pour obtenir des blocs plus petits. C’est l’opération de dédoublage. Plus petits, les blocs seront ensuite divisés à l’aide d’un outil – entre les pieds du carrier -qui a la forme « de deux coins réunis par la base »  : le couperet .  Le gros couperet sert à percuter une ligne de coupe et à lancer des fentes dans un bloc que l’on souhaite diviser.  François de Lassonne  décrit l’opération de dédoublage au couperet assez précisément : « on équarrit autant qu’il est possible la grande dalle et on la partage ensuite en plusieurs parallélépipèdes que l’on divise en dernier lieu en cubes à peu près égaux, qui ont les dimensions requises pour être employées en pavés : ces partages et ces divisions exigent moins de peine (que l’abattage) , on en vient à bout assez facilement avec la double cognée seule (le couperet). On trace avec la partie tranchante de l’instrument et à petits coups répétés sur trois faces du parallélépipède la ligne ou empreinte qui détermine la cassure que l’on veut faire et pour l’effectuer on frappe ensuite à plus grand coups avec le tranchant de la même cognée de fer ; le morceau ne tarde pas à se séparer en suivant exactement dans l’épaisseur et la profondeur la ligne auparavant tracée extérieurement. C’est en quoi consiste tout le travail de cette seconde opération »

Les couperets dont l’usage faiblit au XXème siècle semblent très utilisés au XIXème siècle.  Leur taille varie en fonction des besoins. Le petit couperet sert dans les opérations de la taille du pavé.  L’utilisation du ciseau-massette pour la taille finale des pavés remonte seulement au début du XXème siècle.

Dans son article, le journaliste souligne à quel point le métier de carrier de grès exige du savoir-faire et de l’expérience. Il rend hommage à leur profession dans des termes qui nous serviront de conclusion. : « On ne sait pas assez combien de peines et de travaux il faut pour arracher à la carrière, amener à Paris et placer sous les roues des voitures ce grès que broie notre circulation dévorante (…) Le travail de l’ouvrier tailleur de grès exige peut-être plus d’adresse, de coup d’œil et de pratique, que celui du tailleur de pierre calcaire. Il faut une connaissance approfondie de la nature même du grès, pierre réfractaire à l’outil, d’une dureté extrême, et cependant qui se fend, qui éclate, qui se brise au moment où l’on s’y attend le moins, sous un coup maladroit. Aussi la profession de tailleur de grès se transmet-elle de père en fils et les enfants croissent dans la carrière même ». Patrick Dubreucq.

 (1) Denecourt C.F., guide du promeneur et de l’artiste à Fontainebleau, itinéraire du Palais et de la Forêt , 7 ème édition, Paris, 1851.

(2) Estrade Lucien,  les carrières de grès entre Fontainebleau et Etampes, 1990, 36 pages, Archives départementales de Seine-et-Marne cote 4 AZ 5

(3) Domet Paul, Histoire de la forêt de Fontainebleau, Hachette 1873, 404 pages, réédition Laffitte, Marseille, 1979.

(4) Lassone (de) Jean-Marie-François, Mémoire sur les grès en général et en particulier sur ceux de Fontainebleau. Histoire de l’Académie des Sciences pour l’année 1774, avec les mémoires de Mathématiques et de Physique pp 31-32 et pp 209-236. 1778, Imprimerie royale, Paris. Disponible sur gallica.bnf.fr.

(5) acte de vente de 1847 trouvé dans les Archives municipales de Chamarande, 91730, par Jean-Pierre Melaye.

(6) témoignage enregistré recueilli auprès de Robert Diot en janvier 1987 lors d’une visite dans les anciennes carrières du Coquibus.


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À propos de l’emploi des femmes dans les carrières de grès des environs de Paris et dans le massif de Fontainebleau au XIXème siècle.

Comme le montrent ces deux  gravures de A. Lançon extraites du numéro 1415 de la revue l’Illustration, journal universel, du 9 avril 1870, les femmes ne sont pas exclues du travail dans les carrières de grès des environs de Paris au XIXème siècle. Un article intitulé « Les pavés de Paris »  accompagne les images d’une carrière probablement située « dans la vallée de l’Yvette, aux alentours  de Chevreuse ou  d’Orsay ». Son auteur, Camille Personnat, précise : « les pavés sont transportés à dos de femmes et d’enfants (…) Pour charger, ils placent leur crochet sur un chevalet, en lui donnant une position telle qu’une ficelle, attachée à une petite pierre, suffit pour le maintenir en équilibre jusqu’à charge complète. Le transport n’est pas sans quelque danger ; car les porteurs sont quelquefois obligés de passer dans des sentiers escarpés et sur des planches à peine assujetties de chaque côté d’une large tranchée (…) Les malheureuses qui s’y engagent, chargées d’un lourd fardeau risquent souvent d’être précipitées. Il y faut un pied solide et exercé ». On s’interroge sur le poids de ce  «lourd fardeau ». Le journaliste n’en dit rien et nous sommes amenés à l’imaginer. Sachant que la densité du grès est d’environ 2,3, un rapide calcul peut nous donner une indication. Un pavé cubique de 11,5 cm de côté, qui correspond à un demi-pavé d’échantillon en tous sens, pèse environ 3,5 kg. Un pavé cubique de 15 cm de côté qui correspond mieux à la réalité du dessin (entre le bas des reins et le haut de la nuque, on peut mesurer au minimum 60 cm chez un adulte) pèse 7,8 kg environ. Si on multiplie par quatre comme le montre la gravure, on se fait une idée de la dureté de la tâche… sans parler du pavé d’échantillon, répandu à certaines périodes, un cube de « 23 cm en tous sens » (1) qui pèse 28 kg. 

 Dans le massif de Fontainebleau, des femmes, sans être très nombreuses, travaillaient également dans les carrières de grès.  C’est ce que nous rapporte Victor de Maud’huy  dans un ouvrage consacré aux « Carriers de Fontainebleau» publié en 1846 (2) :  « Le sexe féminin n’est pas entièrement refusé à cette rude profession ; une femme de la ville, morte de vieillesse il y a une douzaine d’année, a fait état de travailler avec son mari aux carrières du Mont-Saint-Germain. Elle lui faisait les mortaises (3)  dans les masses (…) Elle avait reçu le surnom de la Grande-Sirène, et était à tous égards estimée de tous (…) Une autre en avait pris l’habitude, en accompagnant son mari aux carrières pour mettre obstacle à son penchant à l’inconduite; une troisième présentement mariée, s’adonnait au charroi et par suite à la charge de placer les pavés sur sa voiture ; cette dernière opération étant pénible, souvent les carriers y aidaient. Les femmes de cette classe ouvrière sont laborieuses ».

A la fin du siècle, des femmes sont toujours présentes dans les carrières. Un article de l’Abeille de Fontainebleau du 27 janvier 1899 précise : «  le nombre de carriers travaillant en forêt va chaque année en diminuant (…) L’année 1898 donne le chiffre de 60 carriers, un jeune de moins de 18 ans et 4 femmes soit au total 65 ouvriers qui ont taillé durant les 12 mois écoulés 168236 pavés et tirés 4646 m3 de pierre calcaire, sable, pierre siliceuse ou grève. » L’article donne une répartition des carriers par commune et par sexe et permet de savoir que 2 femmes habitent Fontainebleau, l’une Milly-la-Forêt et la dernière le hameau des Sablons. Les recherches entreprises n’ont pas permis, jusqu’à présent, de connaître leur identité. Patrick Dubreucq

(1) Cahier des charges de l’entreprise des travaux d’entretien du pavé de Paris de 1835 à 1838, article 7. Bibliothèque historique de la ville de Paris.

(2) Disponible à la Médiathèque de Fontainebleau, service du Patrimoine.

(3) Voir publication du 15 juin 2020


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Décembre 2020 : les calcites de Fontainebleau sont à l’honneur du dernier numéro de la revue « Le Règne Minéral ».

Le Règne Minéral, revue à l’attention des amateurs et collectionneurs de minéraux, consacre une partie de son n° 156 aux Calcites de Fontainebleau. L’article réexamine le contexte historique et géologique de ces calcites à esthétique si particulière. Il est montré comment au 18ème siècle, les collections françaises ont fourni de nombreux échantillons qui sont à l’origine de la description et de la définition des espèces minérales. Est aussi donné un historique de la découverte, la perte et la redécouverte de l’exceptionnelle Grotte aux Cristaux. Fontainebleau est une sorte de « localité type » pour ces cristaux de calcite avec grains de sable inclus. L’un des auteurs, le géologue Médard Thiry, a bien voulu répondre à quelques questions.

A-t-on une idée de l’âge de ces calcites ? Ces calcites sont d’âge Quaternaire et liées aux périodes glaciaires. Elles ont moins de 1 Ma (million d’années) et de nombreuses ont été datées entre 30 000 et 20 000 ans, c’est-à-dire de la dernière glaciation. Elles sont sans rapport avec l’âge du dépôt des Sables de Fontainebleau qui les contiennent (30 Ma). Leurs alignements au sein des sables suggèrent une précipitation à partir d’anciennes nappes phréatiques. Elles sont des archives de l’interaction entre les eaux météoriques de surface et les eaux profondes de la nappe. Ces anciens niveaux de nappe permettront à l’avenir de reconstruire les anciens paysages bellifontains et leur incision par les vallées. 

Où les rencontre-t-on ? Les calcites se rencontrent presque toujours dans les sables. Mais il en existe aussi incluses dans les dalles de grès. Ces dernières sont précieuses. Étant contenues dans le grès, elles se sont formées dans le sable avant sa cimentation en grès. Elles sont donc plus anciennes que le grès qui les contient. Leur datation permet ainsi de fixer l’âge maximum que peut avoir le grès. C’est le seul élément dont on dispose actuellement pour la datation directe des grès. 

On parle de trous de calcite, de quoi s’agit-il? Les calcites sableuses sont sensibles à l’altération. Exposée aux intempéries la calcite est lentement dissoute, et ne restent en place que les grains de sable qu’elle contenait. C’est l’origine des nombreux trous de taille centimétrique à décimétrique que présentent souvent les grès à l’affleurement. De très beaux exemples sont visibles aux Rochers et Platières de la Gorge du Houx, à proximité du « village des carriers », Rte Jean, Parcelle 116. Les trous s’y alignent en plusieurs niveaux superposés qui correspondent à des niveaux successifs de la nappe qui a provoqué la précipitation de ces nodules de calcite. 

Peut-on observer de la calcite en place dans le grès? La calcite en place dans les grès est très difficile à voir. Ce n’est qu’une observation attentive à la loupe et un test à l’acide qui permet de la détecter. Mais les carrières de grès offrent de voir les trous de dissolution des calcites qui présentent des moulages de cristaux qui ont été dissouts. Quelques exemples sont visibles sur les anciens fronts de taille autour de la Platière de la Gorge du Houx. Et pour cela, les carrières sont tout aussi précieuses que les calcites, sans front de taille, pas de calcite incluse à prélever pour datation. Un truc … chut … il n’y a jamais d’araignée sur les grès strictement siliceux, elles ne sont que sur les grès qui contiennent de la calcite … merci madame l’araignée !

Platière de la Gorge au Houx, Rte Jean (P 116). Sur le front de taille d’une ancienne carrière. Alignement de trous correspondant à des groupements de calcite sableuses dissoutes. Les trous sont presque systématiquement occupés par des araignées dont la présence indique qu’il reste encore des résidus de calcite dispersés dans le grès. Photo Thiry, 2016.

Références

Thiry, M., De Ascenção Guedes, R., Chiappero, P.-J., Martaud, A., 2020, Les calcites de Fontainebleau, Seine-et-Marne, et autres calcites sableuses revisitées …, Le Règne Minéral, 156, p. 7-37.

Bailly, S., 2020, À la découverte des calcites de Bonnevault, Larchant, Seine-et-Marne, Le Règne Minéral, 156, p. 38-40.

Outre de nombreuse figures les articles présentent plus de 10 planches d’échantillons exceptionnels. Commande possible auprès de la revue Le Règne Minéral, 14€ frais d’envoi inclus


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À propos de la disposition des grès dans le paysage du massif de Fontainebleau et du type de carrière rencontré : carrières d’éboulis et carrières de banc

Dans le massif de Fontainebleau, le grès se présente principalement sous deux formes : des chaos rocheux et des platières. Le grès des platières couronne de grands alignements parallèles, grossièrement est-ouest, qui dominent d’environ 50 m des dépressions sableuses (vallées). Ces alignements gréseux s’étirent souvent sur plusieurs kilomètres et se répètent à peu près tous les kilomètres. Ils sont très distincts et impriment leur rythme au paysage et au randonneur. Selon le géologue Médard Thiry, « ces rides correspondent à d’anciennes dunes littorales formées par le vent en arrière des plages. Une nouvelle dune se formait au rythme du retrait de la mer stampienne du Bassin de Paris vers la Mer du Nord. Ce n’est que récemment, pendant les périodes glaciaires, que se sont formés les grès, au fur et à mesure que la couverture calcaire et les sables étaient entaillés par l’érosion. Puis l’érosion a entaillé les sables non cimentés des vallées et mis les platières gréseuses en relief. Dans le même temps, l’érosion de la dalle gréseuse des platières sur ses bordures a conduit à sa fracturation, l’éboulement des blocs libérés et leur altération sur les pentes. C’est ainsi que ce sont formé les chaos rocheux qui ourlent les platières. »

Dans les chaos rocheux, on trouve des carrières d’éboulis et sur le bord des platières on trouve des carrières dites de banc car on exploite le banc de roche c’est à dire la dalle de grès de la platière.

Les carrières d’éboulis ont exploité les blocs éboulés des chaos. Ce sont les grès les plus accessibles en venant des vallées et pour cette raison sont certainement les plus anciennes et à usage local. C’est une exploitation économique, qui nécessite peu de travaux préalables car on y exploite des blocs apparents ou semi-enterrés. Pour des raisons pratiques, ce sont souvent les chaos rocheux les plus proches des lieux habités qui ont été les plus exploités. Cependant, à cause de son exposition aux intempéries, le grès des éboulis n’est pas toujours de la meilleure qualité et les entrepreneurs des travaux publics, notamment ceux du pavé de Paris, préféraient le grès des carrières de banc.  A l’observation, pour identifier les anciennes carrières d’éboulis, il faut rechercher les écales c’est-à-dire les déchets de grès qui accompagnent l’exploitation comme on peut le voir sur l’image ci-dessous

Carrière d’éboulis, secteur oriental du Long Boyau. Photo P. Dubreucq 2017

Dans les carrières de banc, le grès se présente sous la forme de dalles horizontales ou bancs ininterrompus de plusieurs dizaines de mètres de longueur et de largeur dont l’épaisseur peut atteindre plusieurs mètres et recouverts, le plus souvent, d’une couche de calcaire. Les carrières de banc fournissent souvent un grès plus dur et de meilleure qualité que les carrières d’éboulis car il a été protégé des intempéries et des altérations par la couche calcaire qui le surmonte. C’est un grès bon pour le pavé mais son exploitation demande plus de main d’œuvre que l’exploitation des éboulis. En effet, ce n’est qu’une fois la base et le sommet du banc dégagé́ de la terre et de la végétation qui l’encombrent, que l’attaque de la roche de grès peut commencer.  Sur la photo ci-dessous, au premier plan en haut à gauche, on peut constater que des  terrassiers  ont commencé à dégager le sommet du banc des terres de couverture sur au moins deux mètres d’épaisseur. Suivant la qualité de la roche et la force de l’érosion, la paroi du front de taille peut présenter un aspect particulièrement lisse et régulier comme ici ou au contraire fracturé, cisaillé en pile d’assiette comme on peut le voir dans d’autres carrières du massif de Fontainebleau, au Mont Ussy par exemple. A la base du front de taille on distingue une sorte de terrasse appelée forme . C’est sur cet espace dégagé et aplani que les carriers dédoublaient le grès, façonnaient et stockaient les pavés avant leur évacuation. Sur la gauche de la photo, on aperçoit les déblais de carrières composés des grès trop tendres et mal taillés qu’on nomme  écales  qui s’accumulent, avec les terres de couverture, derrière le front de taille au fur et à mesure que le carrier avance. En longeant un front de taille, on peut constater que les monticules de déblais sont interrompus à intervalle régulier, tous les vingt à trente mètres, par des chemins étroits de vidanges qui permettaient d’évacuer les grès taillés. Nous reviendrons sur ce sujet dans un prochain billet. Patrick Dubreucq.

Carrière de banc, secteur occidental du Long Boyau. Photo P. Dubreucq, 2016.


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Décembre 2020 : le grès et l’art rupestre sont à l’honneur dans le dernier numéro de la Voix de la forêt , revue annuelle éditée par les Amis de la Forêt de Fontainebleau

Le  numéro 83 de la revue annuelle des Amis  de la Forêt de Fontainebleau (AFF)  paru récemment et diffusé auprès des adhérents de l’association,  consacre deux articles aux anciennes carrières de grès. Le premier,  signé  Alain Callewaert, Jean-Pierre Melaye et Jean Pillot, évoque « les dix ans de la Commission Carrières et Carriers » des AFF qui travaille en collaboration étroite avec l’ONF « pour  la mise en place de mesures conservatoires » relatives aux anciennes carrières. Les membres de cette commission accomplissent un travail important de relevés sur le terrain.  On apprend, par exemple, que pas moins de 242 abris de carriers ont été recensés dans le massif de Fontainebleau grâce aux prospections systématiques menées durant cette décennie.  

Le second article, signé Patrick Dubreucq  rappelle dans quelles circonstances le Long Rocher est devenu au XIXème siècle une des zones les plus exploitées de la forêt par les carriers. L’auteur relate l’aventure de Frantz Zeltner  qui obtient en 1830 un bail de longue durée pour exploiter le grès sur une superficie de  66 hectares. Les espoirs et les échecs de Frantz Zeltner sont détaillés et  on peut visualiser, sur un document d’archive et une  image  Lidar, le tracé de l’ancienne ligne de chemin de fer du Long Rocher qu’il avait fait construire pour transporter les pavés jusqu’au canal du Loing à Episy.  Le tragique destin de la grotte du Croc marin, devenue aujourd’hui un simple abri en raison de sa  destruction presque totale par deux carriers en 1870 et 1871, ne pouvait manquer d’être évoqué. Cette évocation permet de faire le point des connaissances sur les deux protagonistes, Louis Victor et Georges Genty dit « La Gaillouche », témoins d’une époque où la forêt était avant tout un espace de travail. 

Vestiges du pont du chemin de fer du Long Rocher à l’intersection de la Route des Carrières et de la Route Desquinemare. Photo P. Dubreucq, 2018.

Le grès est également à l’honneur au travers d’un dossier « archéologie » consacré à l’art rupestre.  Dans un premier article intitulé « étudier, archiver et valoriser l’art rupestre préhistorique en région de Fontainebleau », Boris Valentin, professeur à l’Université Paris I, fait le point sur les nouvelles recherches et observations, engagées depuis 2017 sur les gravures paléolithiques et mésolithiques avec le soutien du service régional de l’archéologie d’Île de France. Le second article signé Laurent Valois, membre du Gersar,  fait « l’historique des recherches » archéologiques menées au Croc-Marin où des vestiges préhistoriques ont été découverts quelques années après la  destruction du site par les carriers et l’auteur révèle la mise en évidence récente, grâce au traitement informatique, d’un second cervidé sur le panneau peint repéré dès 1947. Enfin Alain Benard, ancien président du Gersar, consacre une étude à « l’abri orné des Cabannes 2 près de Busseau » signalé pour la première fois en 1975. L’ensemble du dossier est illustré de belles photos.

Croc-Marin, détail du panneau peint après traitement par M. Rey sous ©DStretch en 2016.

La revue la Voix de la Forêt est disponible au siège des Amis de la Forêt de Fontainebleau : 26 rue de la Cloche à Fontainebleau aux heures de permanence le mardi de 10h à 12h à partir de janvier 2021. En raison de l’épidémie de la Covid 19, il est préférable de téléphoner au 01 64 23 46 45 avant de se déplacer.